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Le tissu Madras : une histoire de liberté au-delà des époques et des frontières

Connaissez-vous l’histoire du tissu Madras ? On fabrique traditionnellement ce tissu caribéen originaire d’Inde avec des fils de coton. Il est reconnaissable à ses carreaux bien linéaires et à ses couleurs vives (notamment jaune, rouge et bleu).

Bien plus qu’un simple matériau textile, le Madras retrace l’histoire et l’identité d’une mosaïque de peuples. Wild King Attitude vous dévoile les origines et l’histoire de ce tissu porteur de l’héritage culturel des Caribéens des Antilles et de la Guyane, qui a su traverser les époques et les frontières !

motif madras
Le motif Madras se décline dans une multitude de couleurs vives.

L’histoire du tissu Madras, de l’Inde aux Caraïbes

L’histoire du Madras traverse les siècles et les océans. Découvrez comment ce tissu originaire d’Inde aux carreaux influencés par la mode écossaise a connu un véritable effet de mode en Europe, avant de devenir un emblème de la culture caribéenne !

La naissance du tissu Madras au XVIIe siècle en Inde, dans la ville de… Madras

Si le Madras est désormais profondément lié à la culture caribéenne, ce tissu est originaire d’Inde. Au XVIIe siècle, il est originellement fabriqué dans la ville de Madras. Désormais nommée Chennai, cette ville portuaire est la capitale de l’État du Tamil Nadu, situé en Inde du Sud. Les colons anglais la fondent en 1639, pour en faire l’avant-poste de la British East India Company.

Le Madras d’origine indienne est un tissu uni, que l’on fabrique avec des fibres de bananier teintes.

L’influence du tartan écossais sur le tissu Madras

Au XVIIe siècle, l’Inde est une colonie anglaise. Le contact des populations indiennes avec des Britanniques et notamment des Écossais fait évoluer le Madras. Ce tissu précédemment uni s’inspire du tartan en reprenant ses carreaux.  Le jaune, le rouge et le bleu, qui sont des couleurs vives plus représentatives de la culture indienne, constituent alors les carreaux Madras.

motif tartan ecossais
Le tartan écossais est à l’origine des carreaux du Madras.

L’arrivée du Madras aux Antilles et en Guyane au milieu du XIXe siècle, suite à l’abolition de l’esclavage

Certains pensent que le Madras serait arrivé dans l’archipel antillais dès le XVIIIe siècle, à l’initiative des Britanniques. Cependant, cela ne fait pas consensus. On retiendra plutôt la seconde moitié du XIXe siècle, et plus précisément l’an 1848.

Le décret du 27 avril 1848 proclame l’abolition de l’esclavage en France et dans ses colonies, suite aux débats lancés par les philosophes des Lumières et aux révoltes des peuples asservis. Les Hommes sont alors reconnus égaux et ayant un droit naturel à la liberté, quelle que soit leur couleur de peau.

Les colonies ne peuvent plus exploiter d’esclaves, et ont donc besoin d’une nouvelle main-d’œuvre. Les colons proposent alors à des Indiens de venir travailler pour eux dans les Caraïbes. Les ouvriers indiens importent ainsi la mode du Madras dans les Caraïbes.

La mode du Madras en Occident au XVIIIe siècle

Au XVIIIe siècle, les Anglais ont le monopole du commerce en Inde. Ils font donc tisser des cotons aux motifs Madras sur place. Cet effet de mode touche également les Français, qui fabriquent des tissus Madras en coton à Rouen.

L’évolution de la fabrication du tissu Madras et sa démocratisation

On fabrique originellement le Madras avec des fibres naturelles de bananier. Cette matière étant fragile et odorante, les tisserands y mêlent des fibres de coton. Elles finiront par remplacer totalement les fibres de bananier. Le tissu est alors plus solide, et les foulards en Madras sont plus faciles à nouer.

Le tissu Madras de grande qualité devient une étoffe à chaîne de soie et trame de coton.

Un tissu d’abord adopté par les femmes blanches dans les Caraïbes

Aux Antilles et en Guyane, ce sont d’abord les femmes blanches de la classe dirigeante de l’époque qui portent ce tissu onéreux. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les femmes noires, qui viennent d’être affranchies de l’esclavage, ne peuvent pas se l’offrir.

Ce Madras luxueux est alors confectionné avec des fils plats de couleurs vives et variées.

La démocratisation du tissu Madras et son intégration à la culture créole

Le mouchoir de Madras (ou mouchoir des Indes) coûte deux fois moins cher. Il participe donc à la démocratisation de ce tissu dans l’archipel. Il est tissé avec des fils retors en coton de couleur rouge, blanche et bleue. Les fils rouge et blanc entrecroisés donnent un Madras rose un peu terne. Afin de le rendre plus vif, on effectue alors un travail de calendage, consistant à le peindre avec un mélange de gomme arabique et de jaune de chrome.

Peu à peu, les femmes blanches issues de la classe dirigeante qui suivent alors la mode occidentale abandonnent le Madras, passé de mode en Europe.

Les femmes noires commencent à porter ce tissu, notamment en l’intégrant à leurs coiffes. Avec sa mosaïque de couleurs vives, le Madras est adopté par les femmes créoles des colonies françaises comme anglaises. Chaque territoire créera son propre Madras, représentant le métissage et la richesse culturelle de sa population.

Le Madras se démocratise dans les Caraïbes dans un contexte historique particulier et lumineux. Les anciens esclaves sont libres et se tournent vers l’avenir avec espoir. Ce tissu multicolore devient un symbole de gaieté. Il devient alors incontournable dans les tenues de fête,

robes madras
Tenues traditionnelles en Madras

Le Madras, un tissu festif à réintégrer à nos tenues quotidiennes

Les femmes créoles se laissent à leur tour influencer par la mode occidentale, et délaissent peu à peu le Madras. Il reste présent dans les tenues traditionnelles ou de cérémonie (pour les mariages, baptêmes, bals et jours de fête). Cependant, on le retrouve aujourd’hui relativement peu dans les tenues du quotidien.

Les générations précédentes portaient naturellement le Madras au quotidien. Elles l’intégraient même à leur décoration intérieure. Pourtant, les jeunes générations tendent à le trouver désuet ou folklorique.

Le tissu Madras, un héritage caribéen à démocratiser et à partager

Les jeunes Caribéens ont tendance à se détourner du Madras, qui leur semble ne plus être dans l’air du temps. Pourtant, ce magnifique tissu et toutes ses variantes sont porteurs de l’histoire des peuples des Caraïbes.

Le défi des créateurs antillais et guyanais est de retravailler ce tissu pour l’intégrer à toutes sortes de vêtements. Avec sa diversité de carreaux et de couleurs, le Madras offre un terrain de jeu immense aux stylistes qui accepteront de relever ce défi. L’enjeu est de partager ce tissu authentique et coloré avec le monde entier, sans le travestir.

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Le Madras modernisé WKA

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