Mode éthique, mode durable, mode éco-responsable, slow fashion… Les adjectifs pour qualifier une mode plus respectueuse de l’humain et de l’environnement sont de plus en plus nombreux. Mais de quoi parle-t-on, au juste ? Certains identifient la mode durable à la réduction de la pollution liée à l’industrie textile, et la mode éthique au fait de respecter les droits humains dans cette industrie. Mais en 2022, nous considérons que tous ces qualificatifs devraient englober l’ensemble de ces considérations. Comment pourrions-nous accepter de faire des compromis sur la préservation de l’environnement dans lequel nous vivons, ou sur les droits des personnes qui fabriquent les vêtements que nous portons ? WKA vous présente un résumé des enjeux de la mode éthique, pour vous aider à choisir vos vêtements de façon éclairée.

Des drames humains et environnementaux à l’origine de la fashion revolution
Avant de parler de mode éthique et pour comprendre pourquoi l’adoption de ce nouveau mode de production et de consommation de vêtements est un enjeu si important, revenons sur le concept tant décrié de la fast fashion. Cette expression, que l’on peut traduire par “mode express”, désigne le renouvellement quasi hebdomadaire des collections de vêtements, proposés à la vente à des prix bas. Cela implique de produire de nombreux vêtements en des temps records. Les grandes entreprises textiles qui ont adopté ce modèle pour réaliser d’importants bénéfices le font au détriment du respect des droits élémentaires de leurs employés, et de l’environnement. Certains géants de cette industrie encouragent même l’esclavage, parfois consciemment, ou en fermant les yeux sur les pratiques de certains sous-traitants.
Les drames humains et environnementaux sont nombreux. Nous nous arrêterons ici sur trois événements marquants. Le but n’est aucunement de culpabiliser les consommateurs et consommatrices, mais d’aider chaque personne à prendre conscience de ce que nous encourageons inconsciemment à travers certains achats de vêtements.

La chute du Rana Plaza en 2013
Le 24 avril 2013, le Rana Plaza s’effondre. Il s’agit d’un immeuble abritant des ateliers de confection textile à Dacca, capitale du Bangladesh. On déplore plus de 1 000 morts. Cette tragédie, qui aurait pu être évitée en imposant des normes de sécurité élémentaires, est médiatisée dans le monde entier. La veille, des consignes d’évacuation avaient été données suite à l’apparition de fissures. Les responsables d’ateliers les avaient ignorées. Les consommateurs occidentaux sont alors forcés d’ouvrir les yeux sur les conditions de travail liées à la fast fashion.
Certains designeurs lancent alors des collections éthiques. Le hashtag #whomademyclothes, arrive sur les réseaux sociaux, en lien avec le Fashion Revolution Day, célébré chaque année le 24 avril, en mémoire de cette tragédie.
Si certains commencent à remettre en cause leurs habitudes d’achats, le chemin de la fashion revolution s’annonce encore long.
La révélation de l’exploitation des Ouïghours en 2019
En novembre 2019, des documents détaillant la politique d’internement des Ouïghours en Chine sont révélés. La répression alors subie depuis plus de dix ans par ce peuple est médiatisée dans le monde entier. Les Ouïghours sont un peuple turcophone majoritairement musulman, vivant dans la province chinoise du Xinjiang. Le gouvernement les surveille étroitement, dans tous les aspects de leur vie : son objectif est d’assimiler les Ouïghours au parti communiste et à la culture chinoise, au détriment de leur propre culture et de leur religion. Ils subissent une politique de plus en plus répressive. Leur patrimoine culturel est détruit, ils subissent des détentions massives, des disparitions, du travail forcé, des stérilisations forcées…
Le gouvernement prétend leur proposer une formation professionnelle dans des “centres de formation”, mais la réalité est très différente. Il s’agit en fait de camps de concentration, dans lesquels les Ouïghours intègrent des programmes de travail forcé, notamment dans des champs de coton. Au moins 1 million de musulmans ouïghours y seraient internés.
De grandes marques de fast fashion sont accusées de travailler avec des sous-traitants exploitant ce peuple. Si certaines en sont conscientes, d’autres ignorent dans quelles conditions leurs vêtements sont produits. Pourtant, on ne peut plus fermer les yeux ! 80 % du coton chinois est cultivé dans le Xinjiang. 20 % des vêtements en coton vendus dans le monde contiennent du coton produit dans cette province.
Ces révélations choquent les consommateurs et consommatrices d’Occident. Nombreux sont celles et ceux qui souhaitent changer leur façon de consommer. Pourtant, opérer ce changement reste compliqué. Les collections de vêtements réellement éthiques sont peu nombreuses et ne correspondent pas à tous les budgets ni à tous les styles.
L’assèchement de la mer d’Aral, depuis les années 1960
Au début des années 1960, la mer d’Aral (qui est en réalité un lac salé), était le quatrième plus grand lac de notre planète. De nombreuses villes bénéficiaient alors de l’eau de ce lac qui s’étendait sur plus de 67 000 km2.
Mais en 1960, les Soviétiques décident de détourner ses affluents pour irriguer les steppes désertiques et en faire des champs de coton.
Année après année, la mer d’Aral s’assèche. Sa superficie diminue drastiquement, jusqu’à atteindre moins de 8 000 km2. Les conséquences sont désastreuses : augmentation du niveau de salinité de l’eau, rejet de pesticides dans l’eau, assèchement des terres, mort de nombreux poissons, manque d’eau pour irriguer les cultures, augmentation de la mortalité infantile, des cancers et de l’anémie… De nombreux villages ont donc été abandonnés au cours des dernières décennies.

Les dessous de la fast fashion
En dehors des tragédies médiatisées, les dessous de la fast fashion restent obscurs. Son principe n’est pas viable. Il n’est pas possible de sortir de nouvelles collections de vêtements à petit prix chaque semaine en respectant les droits humains des travailleurs et travailleuses et en préservant l’environnement. Il n’est pas non plus possible de produire des vêtements de qualité dans ces conditions. Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif des marques concernées ! En produisant des vêtements de basse qualité, elles poussent leur clientèle à racheter de nouveaux vêtements fréquemment.
Depuis les années 1970, la fast fashion est devenue la norme sur le marché du textile. Selon le documentaire The True Cost, dans les années 1960, 95 % des vêtements portés aux États-Unis étaient fabriqués localement, contre 3 % en 2015.

1. L’exploitation des travailleurs et travailleuses
Pour réaliser un maximum de bénéfices, ces marques produisent souvent leurs vêtements dans des pays en développement. La main-d’œuvre est moins chère et le droit du travail moins exigeant que dans d’autres pays. Certaines vont même jusqu’au non-respect des salaires minimaux et droits en vigueur .
Les conditions de travail sont souvent dangereuses et inhumaines. Les salaires étant extrêmement bas, de nombreux travailleurs et travailleuses sont obligés de réaliser des heures supplémentaires afin de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille. De nombreux enfants travaillent plus de 60 heures par semaine pour aider leurs parents. Ils ne peuvent donc pas se rendre à l’école.
Souvent, les travailleurs et travailleuses ne bénéficient d’aucune protection sociale. Pourtant, ils sont exposés à de nombreux dangers dans les ateliers de production, notamment à des composants nocifs (produits chimiques et métaux lourds). Ces substances peuvent provoquer des intoxications, des troubles respiratoires, des cancers, etc.
Au Bangladesh notamment, environ 25 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les employeurs profitent de cette situation de grande précarité de la population pour diminuer les salaires. La demande d’emploi étant plus forte que l’offre, les employés n’osent pas se rebeller.
Selon le rapport Global Slavery Index 2018, l’industrie textile serait une des principales contributrices de l’esclavage moderne. On estime que plus de 40 millions de personnes à travers le monde (principalement des femmes) seraient aujourd’hui réduites à une forme d’esclavage. Démocratiser la mode éthique est donc une mesure urgente !
2. La pollution de l’environnement
Ces produits chimiques dangereux pour la santé contribuent également à la destruction de l’environnement. L’industrie textile est la seconde industrie la plus polluante au monde, après celle du pétrole.
- Les eaux usées, polluées par les produits chimiques (colorants, additifs, traitements, etc.) utilisés dans les ateliers de confection, se retrouvent dans les fleuves et rivières, puis dans les océans. Elles détruisent la faune et la flore de ces écosystèmes et polluent les eaux “potables”. Cette pollution est également néfaste pour l’agriculture locale.
- Les vêtements parcourent des milliers de kilomètres, de l’usine de confection aux magasins. De la culture ou fabrication des matières premières à la commercialisation, un vêtement peut parcourir jusqu’à 65 000 km. Cela représente environ cinq fois le tour de la planète. On estime que l’industrie textile rejette environ 1,7 milliard de tonnes de CO2 par an.
- L’industrie textile est une source importante de production de microplastiques, qui sont largement responsables de la pollution des océans. Chaque année, les particules de plastique évacuées avec l’eau des machines à laver représentent l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique.
- Les marques de fast fashion se retrouvent souvent avec des stocks gigantesques de produits invendus. Elles les brûlent afin de ne pas payer de frais de stockage.
- Enfin, 15 % seulement des vêtements sont aujourd’hui recyclés.
Encourager la mode éthique est donc une mesure phare pour préserver l’environnement.
3. L’épuisement de ressources naturelles
Si la culture du coton est particulièrement gourmande en eau, l’ensemble de l’industrie textile consomme massivement cette ressource naturelle. Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), elle utilise 93 milliards de mètres cubes d’eau par an.
On fabrique majoritairement les fibres textiles synthétiques à partir de pétrole. Moins onéreuses et plus résistantes que les fibres naturelles, elles représentent aujourd’hui environ 65 % de l’ensemble des fibres textiles dans le monde. Pourtant, cette ressource n’est pas renouvelable.
En avant la mode éthique et durable : quelques pistes pour changer nos habitudes de consommation
Même si les grandes marques de fast fashion ont aujourd’hui le monopole sur le marché de l’industrie textile, ensemble, nous avons le pouvoir de changer les choses. Diverses solutions existent. Même si nous ne pouvons pas tous et toutes modifier complètement nos habitudes de consommation du jour au lendemain, nous pouvons adopter de nouveaux comportements d’achat, petit à petit.

Connaître les quatre règles d’or pour une mode éthique et durable
- Pas de travail des enfants ni d’exploitation de travailleurs et travailleuses.
- Pas d’utilisation de composants dangereux pour la santé et la planète.
- Un maximum d’efforts pour réduire l’impact environnemental de la production de vêtements.
- Une communication honnête et transparente.
Si vous ne trouvez pas de vêtements répondant à ces critères qui vous plaisent ou si votre budget ne vous permet pas de vous les offrir, vous pouvez acheter des vêtements de seconde main. Ainsi, vous n’utilisez pas votre pouvoir d’achat pour encourager la fast fashion, mais pour favoriser une économie triangulaire durable.
Apprendre à lire les étiquettes pour choisir les matériaux les plus respectueux de l’environnement
Savoir lire les étiquettes implique de savoir quels procédés se cachent derrière la production des fibres qui constituent le vêtement. Qu’elles soient naturelles ou synthétiques, les dérives sont nombreuses. Globalement, privilégier les vêtements biologiques et/ou recyclés permet de réduire l’impact de la production de textiles sur l’environnement.
Attention aux fibres naturelles gourmandes en eau
Les fibres naturelles peuvent avoir un impact néfaste sur l’environnement. Par exemple, la culture du coton consomme énormément d’eau (10 000 litres d’eau par kilogramme). Elle est aussi très polluante. Enfin, l’exploitation des adultes et enfants est fréquente dans ce secteur. Heureusement, il existe des solutions pour mieux choisir ses vêtements en fibres naturelles.
- Ne choisir que du coton biologique : sa culture requiert deux fois moins d’eau.
- Le coton recyclé est une bonne alternative. Cependant, le vêtement conçu à partir de ces fibres détricotées sera de moins bonne qualité.
- Privilégier le chanvre et le lin, qui sont les fibres textiles les plus écologiques et les moins polluantes. Elles sont produites localement, et leur culture demande relativement peu d’irrigation.
Attention aux fibres synthétiques polluantes
Les fibres synthétiques sont résistantes et faciles d’entretien. Elles sont fabriquées à partir de substances extraites du pétrole ou du charbon. Leur fabrication est une source importante d’émissions de CO2. Elles subissent de nombreux traitements polluants, qui les rendent particulièrement difficiles à recycler. Voici quelques suggestions pour limiter les dégâts.
- Limiter les vêtements qui contiennent des fibres synthétiques à un faible pourcentage de leur composition totale.
- Privilégier les fibres recyclées.
- Utiliser un filet conçu pour récupérer les microplastiques lors des lavages en machine.
Se référer aux labels des marques et au pays de fabrication des vêtements
Les labels, certifications et pays de fabrication sont de précieux indicateurs pour savoir si un vêtement a été conçu de façon éthique.
Les labels sont des marques protégées. Il faut respecter un cahier des charges strict et payer pour les obtenir. Nous vous recommandons de vérifier à quelles exigences correspond un label lorsque vous le rencontrez pour la première fois sur une étiquette.
Choisir des vêtements conçus et fabriqués dans des usines et ateliers respectant les fondamentaux de l’Organisation Internationale du Travail et les droits humains est indispensable. Selon le pays de fabrication, il peut être nécessaire de demander des garanties supplémentaires aux marques.
Privilégier les achats de seconde main : un bon complément à la mode éthique
Acheter des vêtements vintage ou d’occasion permet d’offrir une seconde vie à des vêtements déjà portés, qui sont souvent encore en excellent état. On en trouve facilement dans des friperies ou sur des applications mettant en relation des particuliers.
Réparer et customiser
Réparer ou customiser des vêtements un peu défraichis permet de leur donner une seconde vie.
Se tourner vers des boutiques de vêtements et marques de mode éthiques
Pour acheter de nouveaux vêtements, privilégier les boutiques éthiques est une bonne alternative à la fast fashion.
Prendre soin de ses vêtements
Prenons soin des vêtements que nous possédons déjà, quelle que soit leur origine. Voici quelques conseils pour prolonger leur durée de vie.
- Respecter les températures de lavage, en privilégiant les cycles froids et courts.
- Laver les vêtements uniquement lorsqu’ils sont vraiment sales.
- Laver les couleurs et les vêtements neufs séparément.
- Utiliser un filet de lavage pour les pièces délicates.
- Mettre des répulsifs à mites naturels dans les placards.
Donner, vendre ou recycler les vêtements que l’on ne porte plus
Inutile de jeter nos vêtements issus de la fast fashion, ce serait contre-productif ! Les vêtements en bon état mais qui ne nous correspondent plus pourront être donnés à une association, via une plateforme de dons, ou encore vendus.
Trouver son style pour ne pas se tromper en choisissant de nouveaux vêtements
Si un tri s’impose, commencez par apprendre à trouver et connaître votre style. Il doit refléter votre personnalité, tout en vous permettant de réaliser vos activités quotidiennes sans encombre.
Adopter la slow fashion

Consommer éthique n’est pas une mode. C’est un choix profond et durable. Nous n’avons pas besoin de viser la perfection pour commencer. Chaque petit geste compte ! Le plus important est d’acheter en conscience, en choisissant moins de vêtements, mais avec plus d’exigences concernant leur qualité. Privilégiez des pièces indémodables, confortables, que vous pourrez aisément assortir aux vêtements qui se trouvent déjà dans votre dressing.
Voici une “tendance” à suivre de toute urgence !